Skip to main content

Découvrez la Truffe

Truffe de Bourgogne

De quoi parle-t-on ?

La truffe est un champignon dont la partie végétative est un mycélium composé de fins filaments souterrains colonisant plus ou moins le sol et vivant en association symbiotique avec le système racinaire d’un arbre.

L’arbre fournit les substances hydrocarbonées que le champignon ne peut synthétiser ni puiser dans le sol et le champignon favorise la nutrition de l’arbre hôte.

Truffe de Bourgogne

La fructification de ce champignon donne la partie comestible appelée TRUFFE.

La Truffe de Bourgogne, carpophore de Tuber uncinatum, est de forme irrégulière et de taille variable. Son poids peut-être de 5 à 400g, voire plus. Son enveloppe (péridium) est noirâtre et sa chair marbrée est de couleur marron chocolat à maturité. Son parfum délicat s’apparente à celle de la noisette avec des notes de sous-bois.

La truffe de Bourgogne est une espèce présente dans tout l’Est de la France ainsi que dans les nations d’Europe. C’est la truffe Européenne par excellence./

Vous avez dit « Truffe » ?

Par Henri FROCHOT, Chercheur INRA retraité
La truffe. Le mot magique est lancé.
Qui n’a jamais entendu parler de cette créature mythique ?
De ses charmes convoités et parfumés ? Mais qui la connaît vraiment ?
La précieuse « perle noire » sait se faire prier et garde ses mystères.
Vrais mystères posés par une réussite biologique incontestable qui met en jeu le champignon, l’arbre et le sol vivant. Avec un gros zeste de climat pour brouiller les pistes.
Faux mystères entretenus par ceux qui la recherchent en catimini et la vendent à prix d’or.
D’ailleurs vaut-elle les prix faramineux qu’on affiche au moment des fêtes par exemple ?

Pour essayer de lever un coin du voile, je suis allé interviewer la truffe.

Bonjour la Truffe, qui êtes-vous ?

Bonjour, je suis la truffe de Bourgogne.
Un champignon hypogé. On dit hypogé parce que j’ai élu domicile dans la terre.

J’y ai mon mycélium : vous savez, les filaments microscopiques communs à tous les champignons. Et j’y ai aussi, de temps à autres, des fructifications : c’est ça que les gens appellent les truffes.

Ce sont des sortes de tubercules plus ou moins arrondis, parfois plus petit qu’un pois, parfois gros comme une pomme, le plus souvent comme une noix.

Ma peau est noire et couverte d’écailles saillantes en forme de pyramides. « Écaillé » , c’est plus classe que « verrue » pour une truffe, sinon, c’est la même chose. Ma chair est blanche et inodore dès ma plus tendre enfance et pendant la plus grande partie de ma vie.

Mais à maturité, elle a une couleur brun chocolat, excepté un réseau de veines blanches qui la parcourt.

La partie colorée de ma chair est alors remplie de spores.

On peut les voir à la loupe à fort grossissement. Elles sont groupées par 8 au plus dans des petits sacs, les asques. Les veines blanches débouchent sur l’extérieur par des petits trous, des pores, situés entre les écailles.

Je les utilise pour apporter de l’oxygène au plus profond de mes tissus !

À ce stade de maturité, j’ai vraiment envie qu’on s’intéresse à moi. Et comme je suis cachée sous quelques centimètres de terre, j’ai trouvé un truc efficace : j’émets du parfum.

Pas n’importe quel parfum : un parfum si particulier qu’il fait dire à ceux qui le découvrent que c’est quelque chose de nouveau pour eux. Un parfum de truffe !

On m’a dit que vous fricotez avec les chênes et d’autres arbres, C’est vrai tout ça?

Oui, mais c’est tout à fait officiel : je dois m’associer à un hôte compatible pour vivre. Ce sont par exemple les différentes espèces de chênes. Mais d’autres arbres peuvent aussi me convenir comme les noisetiers, charmes, tilleuls, hêtre, pins, cèdres... En revanche, ça ne prend pas avec les arbres fruitiers, les érables, le frêne et les espèces herbacées.

Je suis mariée avec l’arbre par l’intermédiaire des mycorhizes. Ce sont des organes qui associent mycélium et racine. Dans mon cas, celui des ectomycorhizes, le mycélium entoure une extrémité racinaire en formant une sorte de manteau et s’introduit dans les cellules et la racine. Cela permet les échangent intimes. Ma mycorhize ressemble à une petite massue, visible à l’oeil nu. Mais il faut une grosse loupe et un microscope pour me différencier des mycorhizes des autres champignons ectomycorhiziens qui sont foison.

Je suis heureuse en mariage. Une vraie symbiose ! Grâce à mon mycélium très fin qui est ancré dans les mycorhizes, je suis capable d’arracher des éléments nutritifs inaccessibles à l’arbre et de les lui transmettre. De son côté, grâce à son appareil photosynthétique, l’arbre me fournit des molécules organiques que je serais bien incapable de fabriquer.

Un intérêt du mariage avec un arbre, c’est l’avenir quasi assuré. Seul le premier est hasardeux. Lorsque ma spore germe, il en sort du mycélium qui a une durée de vie très courte. Il me faut alors trouver rapidement un extrémité racinaire libre du partenaire pour que la synthèse mycorhizienne puisse avoir lieu.

Ensuite, c’est le repos. Mon mycélium est établi. On dit que c’est la phase végétative. Il suffit alors de renouveler mes mycorhizes d’une année sur l’autre pour assurer ma pérennité.

À la limite, je n’aurais même pas besoin de produire des truffes puisque mon mycélium est établi de façon permanente. Mais, il faut tout de même être prudent. Des champignons concurrents peuvent venir prendre la place à l’occasion d’un évènement. On n’est pas toujours sûr de gagner face aux envahisseurs. Par ailleurs, l’arbre finira bien par mourir un jour.

Aussi, je ne veux pas voir disparaître mon clan, il me faut utiliser la reproduction sexuée : c’est à dire produire des truffes dont les spores permettront de coloniser de nouveaux sites.

Vous parlez de produire des spores ! Mais comment êtes-vous si sûre d’y parvenir ?

Là, vous touchez juste. Produire des spores aptes à germer est un long parcours du combattant, qui peut être mis en cause tout au long de mon cycle de développement. Il me faut déjà parvenir à constituer l’organe sexué : la truffe. Je ne sais pas du tout comment j’y parviens. Personne ne peut me l’expliquer. On me dit qu’on voit parfois un « primordium », sorte d’agglomérat de mycélium microscopique. Mais je n’en sais pas plus.

Une fois le bébé conçu, je commence à me développer. J’ai alors la forme d’une petite coupe, un peu comme une périze microscopique. Puis les bords se referment pour donner une forme globuleuse qui ressemble cette fois à une petite truffe. Je suis une truffette !

Vient alors le temps du grossissement. Je passe de la taille d’une tête d’épingle à ma taille définitive, mettons celle d’une noix. Il se développe alors une activité extraordinaire dans le sol : lombrics, vers microscopiques, fourmis, arthropodes et champignons batifolent autour de moi. Mais on s’entend bien : tandis que ces organismmes utilisent mes rejets ou broutent le mycélium qui se renouvelle à la pointe des mes écailles, moi je profite du carbone qu’ils me fournissent et de l’ameublissement du sol. C’est une période où mes tissus s’organisent pour fabriquer les asques et les spores.

On ne sait pas exactement combien de temps dure cette préparation depuis le moment où j’étais truffette, mais c’est long. Sans doute plus de 6 mois. Pendant tout ce temps, ma chair reste blanche, et je n’ai aucun parfum de truffe. L’avantage c’est que ça n’attire pas les animaux. Parce que s’ils me consommaient avant que mes spores soient mûres, ce serait catastrophique pour ma survie sur terre.

Bien d’autres dangers me guettent ! Le pire étant sans doute les sécheresses estivales qui m’arrachent jusqu’à la dernière goutte d’eau et me font mourir. Deux semaines de sec peuvent suffire à me condamner pendant les grandes chaleurs.

Un autre grand danger vient des « piocheurs » . Des humains mal informés ou peu scrupuleux piochent au hasard dans les sites qui me sont favorables alors que je n’ai pas atteint la maturité. Je suis alors extirpé du sol sans ménagement en même temps que toutes les autres truffes qui ont poussé à côté de moi.

Ce qui me désole, c’est que je ne représente aucun intérêt pour eux car je n’ai aucun parfum de truffe.

S’ils veulent m’utiliser dans leur cuisine, ils sont déçus, parce que je ne sens rien. Et je suis lamentablement dévalorisée. C’est à en pleurer !

Et puis les piocheurs font encore des actes bien plus barbares : ils coupent les racines sur lesquelles je suis établie, les arrachent ou les laissent sécher à l’air. Plus de racine, plus de mycorhize, je disparais. Si en plus ils interviennent en période sèche, ils détruisent à jamais mon fragile écosystème.

Quand vient l’automne, vient enfin le temps de la maturité. Mes spores ont pris leur belle teinte brun foncé. Elles sont bonnes pour leur grand voyage vers l’inconnu. Et moi, je suis prête à les donner au plus offrant pour qu’il les disperse. C’est le moment pour moi de sortir le grand jeu.

Je me pare de mon plus grand parfum, celui dont je vous ai parlé tantôt. Je deviens alors irrésistible pour toute une faune variée, limaces, coléoptères, mammifères dont la souris, le sanglier et l’homme ne sont pas moindre.

Ceux-ci viennent alors me courtiser, me croquer et transporter ainsi mes précieux spores vers des horizons plus larges que mon minuscule lopin de terre. Ces animaux sont à leur insu mes agents disséminateurs. Ils ingurgitent mes spores qui sont faites pour résister à leur estomac et qui ressortent sans dommage de leur tube digestif, puis ils se déposent ça et là au hasard de leur déplacement, prêtes à faire souche. Alors, je peux disparaître l’âme en paix et me décomposer.

Comme c’est beau ! Vous ne m’avez pas dit où vous habitez ?

J’habite avec mon copain, l’arbre compatible : vous savez, les chênes, noisetiers et autres. Je me complais dans son ombre. Je me retrouve avec lui dans les haies, les friches, les bois, parfois même dans les jardins. Mais j’ai mes exigences. Je n’accepte que les terrains calcaires. Peu importe lesquels du moment qu’ils ne m’asphyxient pas. J’aime bien les terres légères, même caillouteuses. Je tolère la présence d’argile à condition que le sol reste bien aéré. Un tassement, de l’eau qui stagne, je disparais.

J’aime bien le climat du nord-est de la France, qui me laisse le temps de mûrir avant les grands froids. Ce n’est pas pour rien que les savants m’ont baptisée « truffe de Bourgogne ». Je suis une truffe d’automne, comme ma cousine mésentérique. Toutes deux nous n’aimons ni la chaleur ni les sécheresses prolongées. Il nous faut des pluies de temps à autre pour nous maintenir en vie pendant la belle saison.

Nous laissons la chaleur à l’autre cousine, la truffe du Périgord. C’est une truffe qui mûrit en hiver et qui supporte mieux la sécheresse. Elle est plus à sa place dans le sud que chez nous. Même si ça lui arrive d’élire domicile dans les expositions chaudes du Grand Est.

Je suis présente dans une grande partie de l’Hexagone : j’ai une préférence pour les plateaux et plaines calcaires du Grand Est : Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Lorraine... Mais j’aime bien aussi le Massif Central, les Alpes du Sud ou les moyennes montagnes du Sud. Je reste alors en moyenne altitude dans la fraîcheur.

Je suis également présente dans presque toute l’Europe calcaire : on me trouve du sud de la Suède jusqu’aux montagnes qui bordent la Méditerranée, et l’Irlande jusqu’à l’Oural. J’ai beaucoup d’adeptes en Hongrie et en Italie. »

On m’a dit qu’on pouvait vous cultiver. Quel intérêt cela peut présenter ?

« Oui, on peut me cultiver. Il faut m’introduire avec mon copain l’arbre. On utilise des plants dits « truffiers » qui sont préparés par les pépiniéristes spécialisés. On fait des plantations selon des modèles et des modes de conduites qui sont bien connus des trufficulteurs. Il vaut mieux leur demander comment faire.

Il faut être patient, car j’ai besoin d’un certain nombre d’années avant d’être capable de produire des fructifications. Quand tout va bien je peux produire une ou deux truffes au bout de 4-5 ans. Mais il me faut le plus souvent 8 à 10 ans avant que je me décide à en produire sérieusement.

L’intérêt majeur des plantations truffières, c’est qu’on peut me protéger des animaux et des prédateurs. M’apporter de l’eau quand il fait sec, doser l’ombre comme je l’aime, aérer le sol quand il se tasse. Me récolter au moment idéal. Quand on est aux petits soins pour moi, je ne suis pas une ingrate. »

« Alors, dites-moi votre secret ! Combien valez-vous ?

« Je vais être directe. Vendue brossée et triée, 350 à 700 euros selon la qualité, la quantité et la période. A qualité égale, je suis moins cher que ma cousine du Périgrod qui dépasse souvent les 1000 euros, et encore moins que la cousine italienne, la truffe blanche d’Italie, qui atteint 3 à 4000 euros.

Mais attention, si ma chair est blanche, ou insuffisamment odorante, ou si j’ai été mal conservée, je ne vaut rien. Pas un centime. Car sans parfum, je n’ai aucun intérêt culinaire. »

Avec la multiplication des ramasseurs de truffes et des plantations, ne risquez-vous pas d’être dévalorisée ?

« Les caveurs », ceux que vous appelez les « ramasseurs de truffes », peuvent bien se multiplier, c’est la ressource en truffes naturelles qui est limitée. En plus c’est une ressource incontrôlable, irrégulière et très convoitée. Souris et sangliers se chargent souvent de la récolte bien avant le caveur.

Les plantations truffières ne m’inquiètent pas non plus. La surface plantée augmente lentement, pour la bonne raison que c’est un investissement coûteux et qu’il faut attendre des années avant de le rentabiliser. Et vous l’avez vu, je resterai un produit coûteux à produire.

Il faudra cependant se méfier des pays qui ont fortement investi sur la truffe et qui seraient tentés de me vendre à prix cassé. En fait, ce qui fait ma valeur, c’est ma qualité. Il me faut être mûre à point, parfumée idéalement, récoltée avec un animal, par exemple un chien, qui me repère à l’odeur.

Une fois récoltée, ma durée de conservation fraîche est limitée : une à deux semaines au frigidaire en ambiance non desséchante. Proximité, sérieux et confiance resteront des atouts maîtres pour négocier mon prix.

Et puis, il existe en fait une offre de marché immense si on se donne la peine de la développer. Le mot truffe a un côté mythique dans le monde entier, ce qui me vaut de me trouver sur toutes les grandes tables. La demande nationale n’est pas satisfaite, encore moins la demande internationale qui va croissante. En tant que truffe d’automne, je ne concurrence quasiment pas la « célèbre » truffe du Périgord. Nous sommes au contraire complémentaires : moi, en automne jusqu’aux fêtes, elle, des fêtes à la fin de l’hiver. Une fois que les cuisiniers ont appris à me valoriser, ils ne me quittent plus.
Enfin, il y a le grand public. Les consommateurs. J’entends l’objection : quelle personne va vouloir mettre 400 euros le kilo pour acheter des truffes d’automne qu’il ne saura même pas mettre en valeur ?

Eh ! bien, je m’insurge. Les marchés truffiers régionaux montrent que le grand public me courtise, m’achète et se fait de plus en plus pressant. Il apprend à piéger mon parfum comme il se doit grâce aux conseils et livres de recettes adaptés. En fait, l’erreur est de raisonner mon prix au kilo.

J’ai un parfum tellement puissant qu’une faible quantité suffit pour sublimer des œufs brouillés ou une sauce de salade. Avec 10 g par convive, on transforme un repas. 50 g de truffe, soit 20 €, c’est le prix qu’on met dans une bonne bouteille ! ».

Merci, la truffe de Bourgogne. Le mot de la fin ?

« Eh ! bien, qu’attendez-vous pour essayer, Êtes-vous prêt à succomber ? »